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Contrôle de la qualification juridique des faits par le juge de cassation : le Conseil d’État s’empare de la notion d'ensemble contractuel

Public - Droit public des affaires
21/10/2020
Il ressort d’un arrêt du Conseil d’État rendu le 7 octobre 2020 que le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique sur l'existence (ou non) d'un ensemble contractuel.
En l’espèce, le président d’une chambre de commerce et d'industrie avait été condamné par la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) pour avoir signé des contrats et avenants irréguliers avec plusieurs sociétés. L’affaire avait été portée par ce président devant le Conseil d’État, la problématique portant sur la qualification juridique des différents contrats conclus.
 
Dans son arrêt, la CDBF avait jugé que les contrats de prestations de service marketing conclus avec deux sociétés distinctes et la filiale de l'une d'entre-elles « étaient autonomes de ceux conclus avec ces mêmes sociétés pour la prestation de services aéroportuaires de desserte aérienne de son aéroport et qu'ainsi, ils ne formaient pas avec eux un même ensemble contractuel ». En effet, la Cour avait relevé que les contrats litigieux avaient été signés à des dates différentes, que leur durée n'était pas identique et que l'objet des contrats de marketing était de faire la promotion de la région concernée sur le site internet d'une entreprise de transport à bas coûts, sans la limiter à la promotion de la desserte effectuée par cette entreprise.
 
Dans sa décision, le Conseil d’État relève qu’au contraire, « les entreprises de transport concernées avaient subordonné le maintien de leur desserte à la conclusion des contrats de prestations de service marketing en cause et que, dès lors, ces derniers étaient non dissociables des contrats de prestations aéroportuaires et formaient en conséquence avec eux un même ensemble contractuel ».
 
Ce faisant, la Haute juridiction administrative, dans son rôle de juge de cassation, exerce un contrôle de qualification juridique sur l'existence d'un ensemble contractuel.
 
Saisi en cassation dans l’affaire relative à l’extension du réseau Vélib’ à Paris, le Conseil d’État avait censuré, en 2008, l’erreur de qualification juridique des faits commise par les juges du fond eu égard au changement de l’objet du marché (CE, sect., 11 juill. 2008, n° 312354, Ville de Paris ; voir à ce sujet Le Lamy Droit public des affaires 2020, n° 2132).
De même, le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique sur une clause contractuelle constitutive d’un bouleversement de l’économie générale du marché de nature à faire naître un nouveau marché (CE, 20 déc. 2017, n° 408562, Sté Area Impatianti).
En outre, s'agissant du contrôle de l'interprétation de stipulations contractuelles, le contrôle exercé par le Conseil d’État juge de cassation reste limité à l’éventuelle dénaturation des clauses du contrat (CE, sect., 10 avr. 1992, n° 112682, SNCF).
 
Pour aller plus loin
– Sur le contrôle par le juge de cassation de la qualification juridique des faits en matière contractuelle et post-contractuelle, voir Le Lamy Droit public des affaires 2020, n° 3104.
– Sur la procédure devant la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF), voir Le Lamy Gestion et finances des collectivités territoriales, nos 250-32 et suivants.
Source : Actualités du droit