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Création d’un droit de préemption pour préserver les ressources en eau

Public - Urbanisme
Civil - Immobilier
Environnement & qualité - Environnement
30/01/2020
La loi « Engagement et proximité » crée un droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine au profit des communes ou groupements de communes. Les biens acquis ne peuvent être utilisés qu'en vue d'une exploitation agricole compatible avec cet objectif.
L’article 118 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 (JO 28 déc.) relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi « Engagement et proximité », crée au sein du Code de l’urbanisme un nouveau chapitre consacré au « Droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine » (C. urb., art. L. 218-1 et s.).

Ce droit de préemption peut être institué, sur un territoire délimité en tout ou partie dans une aire d'alimentation de captages utilisés pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine, par l’autorité administrative de l’État, à la demande de la commune ou du groupement de communes compétent pour contribuer à la préservation de la ressource en eau. Il a pour objectif de préserver la qualité de cette ressource dans laquelle est effectué le prélèvement (C. urb., art. L. 218-1).

L'arrêté instaurant ce droit de préemption est pris après avis des communes, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière de plan local d'urbanisme, des chambres d'agriculture et des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) concernés par la délimitation des zones de préemption (C. urb., art. L. 218-2).

Aliénations concernées

Ce droit de préemption s’exerce sur les aliénations réalisées à titre onéreux (C. urb., art. L. 218-5, par renvoi à C. rur. et pêche maritime, art. L. 143-1, al. 1er, 2, 4, 5 et 7) :
  • de biens immobiliers à usage agricole et de biens mobiliers qui leur sont attachés ou de terrains nus à vocation agricole. Sont assimilés à des terrains nus les terrains ne supportant que des friches, des ruines ou des installations temporaires, occupations ou équipements qui ne sont pas de nature à compromettre définitivement leur vocation agricole ;
  • de bâtiments d'habitation faisant partie d'une exploitation agricole ;
  • de l'usufruit ou de la nue-propriété de ces biens.
Lorsque ce droit est exercé pour acquérir la fraction d'une unité foncière comprise à l'intérieur de la zone de préemption, le propriétaire peut exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l'ensemble de l'unité foncière (C. urb., art. L. 218-7).
 
Notons que lorsqu'une parcelle est située à l'intérieur de plusieurs aires d'alimentation de captages d'eau potable relevant de communes ou de groupements de communes différents, l'ordre de priorité d'exercice des droits de préemption prévus à l'article L. 218-1 du Code de l’urbanisme est fixé par l'autorité administrative (C. urb., art. L. 218-4).
 
Procédure de préemption (C. urb., art. L. 218-7 à art. L. 218-12)
 
Le propriétaire qui entend procéder à l’une des aliénations susmentionnées doit, à peine de nullité, adresser une déclaration préalable à la commune ou au groupement de communes titulaire du droit de préemption. Elle comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix. Lorsque la contrepartie de l'aliénation fait l'objet d'un paiement en nature, la déclaration doit mentionner le prix d'estimation de cette contrepartie. Une copie de cette déclaration préalable est adressée à la SAFER.
 
La commune ou le groupement de communes concerné doit se prononcer dans les deux mois à compter de la réception de la déclaration. Son silence à l’issue de ce délai vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption.
 
Pendant ce délai, le titulaire du droit de préemption peut adresser au propriétaire une demande unique de communication des documents permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble ainsi que, le cas échéant, la situation sociale, financière et patrimoniale de la société civile immobilière. La liste de ces documents sera fixée limitativement par décret en Conseil d'État. Une copie de cette demande est également adressée à la SAFER. Cette demande suspend le délai de deux mois qui reprend à compter de la réception des documents demandés. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption.
 
Lorsqu’elle envisage d'acquérir le bien, la commune (ou le groupement de communes) transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner (DIA) au responsable départemental des services fiscaux. Cette déclaration fait l'objet d'une publication et est notifiée au vendeur, au notaire, à la SAFER et, le cas échéant, à la personne mentionnée dans la DIA qui avait l'intention d'acquérir le bien. Le notaire la transmet alors aux titulaires de droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage, aux personnes bénéficiaires de servitudes, aux fermiers et aux locataires mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner (C. urb., art. L. 218-8).
 
Régime des biens acquis (C. urb., art. L. 218-13)
 
Les biens acquis sont intégrés dans le domaine privé de la collectivité territoriale ou de l'établissement public qui les a acquis. Ils ne peuvent être utilisés qu'en vue d'une exploitation agricole, compatible avec l'objectif de préservation de la ressource en eau.
 
Ces biens peuvent être cédés de gré à gré, loués ou concédés temporairement à des personnes publiques ou privées, à la condition que ces personnes les utilisent aux fins prescrites par un cahier des charges, annexé à l’acte de vente de location ou de concession, qui prévoit les mesures nécessaires à la préservation de la ressource en eau. Sont notamment précisées les conditions dans lesquelles ces cessions, locations ou concessions temporaires sont consenties et résolues en cas d'inexécution des obligations du cocontractant.
 
Articulation avec autres droits de préemption

Les droits de préemption urbain (C. urb., art. L. 211-1), dans les zones d’aménagement différé et périmètres provisoires (C. urb., art. L. 212-1) et dans les espaces naturels sensibles (C. urb., art. L. 215-1 et art. L. 215-2) priment les droits de préemption prévus à l'article L. 218-1 (C. urb., art. L. 218-4, al. 2).

Le droit de préemption pour la préservation de la ressource en eau prime également celui de la SAFER (C. urb., art. L. 218-6 et C. rur. et prêche maritime, art. L. 143-6).
 
Un décret d’application à paraître
 
Un décret en Conseil d'État déterminera, en tant que de besoin, les conditions d'application de ces dispositions.
Source : Actualités du droit