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Mise en place d'une alarme assurant une mission de télésurveillance à domicile par la police municipale

Public - Droit public général
19/07/2018
Dans un arrêt rendu le 5 juillet 2018, la cour administrative d’appel de Versailles affirme que la mise en place d’un service d’alarme assurant une mission de télésurveillance à domicile par la police municipale porte atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie.
Le conseil municipal d’une commune avait adopté une délibération portant approbation d’un contrat d'alarme à titre onéreux, individuel et facultatif, élaboré par la ville et visant à assurer une mission de télésurveillance à domicile par la police municipale. Le requérant avait demandé au tribunal administratif d’annuler cette délibération. Le tribunal ayant fait droit à sa demande, la commune forme un appel, soutenant que le service d’alarme mis en place revêtait « un intérêt public en matière de prévention de la délinquance en lien suffisamment direct avec le service public de la police municipale ».

La cour administrative d’appel rappelle le considérant du Conseil d’État, désormais bien connu, affirmant :
– « que les personnes publiques sont chargées d'assurer les activités nécessaires à la réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de prérogatives de puissance publique ;
qu'en outre, si elles entendent, indépendamment de ces missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que dans le respect tant de la liberté du commerce et de l'industrie que du droit de la concurrence ;
qu'à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter notamment de la carence de l'initiative privée ;
qu'une fois admise dans son principe, une telle intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur celui-ci ».

En l’espèce, le service mis en place proposait aux habitants de la commune de souscrire à un contrat, contre une redevance mensuelle, afin de relier leur habitation à la police municipale par le moyen d'un dispositif d'alarme intérieur. Selon la cour administrative d’appel, un tel dispositif « se rattache ainsi directement au fonctionnement de la police municipale et constitue une activité annexe à ce service public ». Elle ajoute cependant que ce service intervient dans un domaine pouvant être confié à des opérateurs privés.

Après un examen des arguments invoqués par la commune, la cour retient quel'intérêt public particulier de ce système n'est pas prouvé. En outre, aucune carence de l’initiative privée dans ce domaine n’étant établie, la cour ne peut que constater que le dispositif de télésurveillance porte atteinte au principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Elle valide donc le jugement du tribunal administratif prononçant l’annulation de la délibération attaquée.

Une longue évolution jurisprudentielle

Dans cet arrêt, la cour administrative d’appel applique la jurisprudence du Conseil d’État relative aux créations de services publics à caractère commercial, qui impose certaines limites à cet interventionnisme économique local.

En effet, depuis son ancien arrêt Casanova (CE, 29 mars 1901, n° 94580), le Conseil d’État se montrait hostile à tout interventionnisme, sauf en cas de circonstances exceptionnelles.

Sa jurisprudence s’était ensuite assouplie à partir de l’arrêt Chambre syndicale de commerce en détail de Nevers (CE, sect., 30 mai 1930, n° 06781). Il autorise en effet dans cette décision la création de services publics à caractère commercial lorsque, « en raison de circonstances particulières de temps et de lieu, un intérêt public justifie leur intervention en cette matière ». Cette jurisprudence ayant posé les deux critères d’un besoin local particulier et de la carence de l’initiative privée, les interventions publiques ont pu être contrôlées par le Conseil d’État sur cette base.

Cette jurisprudence a pris un autre tournant à l’occasion d’un arrêt rendu en 2006 (CE, ass., 31 mai 2006, n° 275531). Dans cet arrêt, le Conseil d’État énonce le considérant de principe précité, dont il découle que les deux conditions ne sont plus cumulatives. Ainsi, l’intérêt public local peut découler d’une carence de l’initiative privée, mais cette condition n’est plus obligatoire.

Cette jurisprudence a ensuite été reprise dans plusieurs autres arrêts. Notamment, un arrêt de 2010 (CE, 3 mars 2010, n° 306911) avait repris ce même considérant et avait jugé légal un service public départemental de téléassistance aux personnes âgées et handicapées.
Source : Actualités du droit