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Facebook (à nouveau) dans la tourmente

Tech&droit - Données
21/05/2018
Alors que l’année 2017 a déjà été source de nombreux scandales pour Facebook, la firme américaine n’est pas prête de se sortir de cette perpétuelle remise en cause. En témoigne le récent scandale de grande ampleur impliquant la société britannique Cambridge Analytica. Le point avec Arnaud Touati, avocat associé, co-fondateur du cabinet Alto Avocats, et Gary Cohen, collaborateur.
Rappelons que le 25 mai 2018, le règlement général sur la protection des données (Règl. (UE) n° 2016/679, 27 avr. 2016, JO 4 mai 2016, n° L 119/1, dit RGPD) entrera en vigueur dans tous les pays de l’Union européenne, sans que des lois nationales n’aient besoin de transposer les dispositions européennes.

Les données de deux millions de citoyens européens utilisées à leur insu
Dans ce contexte ambiant de protection des données personnelles et de sécurisation d’une vie de plus en plus digitale, les révélations mettant en cause Facebook et Cambridge Analytica font tâche. En cause, une application « Thisisyourdigitallife » proposant un test de personnalité sur Facebook. Or, en répondant à ce test, des milliers des données étaient, à leur insu, collectées sur les utilisateurs et leurs amis. Au total, pas moins de deux millions de citoyens européens sont concernés par cette utilisation frauduleuse. De quoi faire réagir toutes les commissions nationales de protection des données : le 17 mars, l’autorité britannique annonçait avoir ouvert une enquête sur les circonstances dans lesquelles les données de Facebook ont pu être acquises et utilisées illégalement.

En effet, les données auraient servi, du moins pour les citoyens américains, à influencer leur choix lors de la dernière élection présidentielle. En France, la CNIL a officiellement réagi, prônant l’union avec les autorités européennes, et pour cause : autour de 200 000 citoyens français sont directement concernés. Le timing semble d’ailleurs pour la CNIL car dès le 25 mai prochain, elle disposera d’un arsenal législatif renforcé pour sanctionner Facebook (et les autres) : les sanctions pourront s’élever jusqu’à 20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires (mondialisé !) (Règl. (UE) n° 2016/679, 27 avr. 2016, JO 4 mai 2016, n° L 119/1, art. 83).

Ces nouvelles sanctions auront certainement pour effet de contraindre Facebook et les autres géants du numérique à revoir leurs politiques de protection des données, notamment en cessant de les vendre à des tiers.

L’encadrement juridique de nature à contrer ces pratiques
Mais au-delà des sanctions, la question de la traçabilité des données se pose avec cette affaire et le RGPD ne semble pas pouvoir y remédier de façon optimale. Et pour cause, le mot « traçabilité » n’apparaît pas dans le texte du règlement…

Ainsi, Facebook a "laissé faire" l’application pour ensuite revendre les données à Cambridge Analytica, ce qui engage toutefois sa responsabilité dans la mesure où la plateforme tierce s’appuie sur Facebook et ses utilisateurs. La firme américaine reste donc redevable des applications qui y sont installées. On peut déjà penser à une violation de l’article 32 de la loi informatiques et libertés, aux termes duquel la personne concernée par le traitement des données doit être informée de la finalité poursuivie par le traitement.

Or, à l’époque, il paraît peu probable que Facebook ait prévenu ses utilisateurs que les données étaient destinées à être revendues, d’autant plus que la collecte concernait aussi, secrètement, les données du cercle d’amis des utilisateurs. Cette opacité est en passe de disparaître dans la mesure où les utilisateurs européens bénéficient déjà d’une nouvelle interface leur permettant de contrôler leurs données et de "supprimer" les applications tierces liées à leurs comptes Facebook.

En somme, il reviendra à la CNIL, qui disposera bientôt de sanctions réellement dissuasives avec l’arrivée du règlement général de la protection des données, de décider, ou non, d’appliquer une vraie politique de protection des données en infligeant à Facebook des amendes record.
Source : Actualités du droit