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JUREM, une nouvelle manière pour les juristes de peser dans les réformes

Tech&droit - Start-up
21/05/2018
Très nombreux au Parlement ou dans certains ministères, les juristes ont, à travers le comité Les Juristes En Marche ! (JUREM), inventé un nouveau moyen de s’impliquer dans les réformes. Un comité, mi-think tank, mi-do tank, qui discrètement et à sa manière, s’implique en faveur de la modernisation de la justice.
Invitée par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, à accompagner Emmanuel Macron lors de son voyage aux États-Unis, du 23 au 25 avril dernier, avec pour objectif de présenter l’attractivité du droit français (en particulier en matière de contentieux, d’arbitrage international et de legal tech), quelle est donc cette association dénommée JUREM qui œuvre depuis un peu plus de dix-huit mois pour promouvoir et faire la pédagogie des réformes portées par le gouvernement ?
 
Une autre façon de participer à la vie publique
« Mettre la richesse de la vie citoyenne au service de la politique et participer à cet élan mis en œuvre par En marche », tel est bien, pour Christine Méjean, une avocate très active au sein de ce mouvement, l’objectif de JUREM. Une toute jeune association, composée uniquement de bénévoles, qui entend s’impliquer dans la vie publique sans faire directement de la politique, avec pour objectif de réformer efficacement la justice. S’y côtoient des juristes de tous bords (juristes d’entreprises, magistrats, avocats, universitaires, huissiers, notaires, greffiers ou encore start-upper), souvent plus habitués à évoluer en parallèle, voire à protéger leur pré carré, qu’à défendre la modernisation du droit et de la justice.
 
Moins d’un an et demi d’existence, en effet, mais déjà plusieurs étapes franchies : le comité JUREM est en effet né au mois de novembre 2016, à l’initiative de Romain Dupeyré, avocat associé chez DWF, rapidement accompagné par d’autres juristes (comme Pierre Benoît Pabot du Chatelard, aujourd’hui secrétaire général, ou Mahel Sifer, étudiant en droit et responsable grand Ouest), à peu près en même temps que l’annonce de la candidature d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle. C’est l’un des cinq groupes affinitaires au sein d’En marche (aux côtés de Transition écologique en marche, Jeunes en marche, Européen en marche et LGBT en marche).
 
S’ouvre alors le premier temps de ce think tank : la période électorale. Un comité sans budget (qui n’existe toujours pas d’ailleurs, même si JUREM est affilié comptablement à En marche), sans barrière à l’entrée hormis la qualité de juriste, mais fondé sur la convivialité, la confiance et l’énergie de ses membres. « JUREM a pour moi ce rôle d’interface entre la vie citoyenne professionnelle, appliquée au monde du droit, et le monde politique », explique encore Christine Méjean. Les organisations de réunions publiques se succèdent pour expliquer le programme de réforme de celui qui n’est alors que candidat à la présidentielle.
 
Passée l’élection d’Emmanuel Macron, une deuxième phase s’ouvre, dans laquelle JUREM se veut à la fois think tank et do tank, à la fois apporteur d’idées et avocat des réformes. Avec un statut d’association depuis en décembre dernier, mais pas de carte de membre. De plus en plus d’abonnés sur la plateforme (un peu plus de 300) et de plus en plus de followers sur Twitter (un peu plus de 3 000) ou sur Facebook, avec comme jauge d’efficacité, le nombre de personnes présentes dans les réunions publiques. Au sein du mouvement, des groupes se constituent par affinité : droit social, RGPD, profession du droit, attractivité du droit français, pénal/carcéral, etc. « Notre mantra, c’est rigueur, convivialité et interprofessionnalité », aime à le rappeler Romain Dupeyré, avec comme objectif « de porter nos propres idées et de faire de l’ingénierie inversée, c’est-à-dire essayer d’expliquer les réformes, surtout quand elles sont un peu complexes ». Pas moins d’une trentaine de réunions publiques ont ainsi été organisées en 2017.
 
Parce que les réformes, ce n’est pas ce qui manque en ce début de mandat. Contacts informels avec les pouvoirs publics, les cabinets ministériels, les conseillers justice à l’Élysée ou Matignon, certains parlementaires ou des représentants institutionnels, transmission de notes… Les démarches se multiplient pour mettre en avant les propositions de ce petit versant de la société civile que sont les professionnels du droit.
 
Après les ordonnances travail, le dernier gros projet de réforme accompagné par JUREM, c’est le projet de loi de modernisation de la justice. « On a mené un travail de fond dans le cadre des chantiers de la justice », tient à rappeler Romain Dupeyré et ce, sans passe-droit particulier : « on a simplement demandé à être auditionnés et nous l’avons été dans trois chantiers sur cinq ». Un regret, d’ailleurs, celui de ne pas avoir été entendus sur le chantier « transformation numérique ». Et une ligne de crête pas facile à suivre : l’affiliation à En marche ne prive pas le mouvement d’une certaine liberté (JUREM a ainsi exprimé sa distance vis-à-vis de certains points du projet de loi de réforme de la justice, v. Gaz. Pal. 27 mars 2018, n° 317b3, p. 13).
 
Le mouvement est maintenant entré dans une troisième phase : « Notre gros sujet du moment, c’est notre structuration en région » souligne le fondateur de JUREM : l’idée, c’est d’avoir 20-30 relais régionaux.
 
Un pilier important : la modernisation de la justice
« Nous avons la volonté de porter un message de modernisation, d’accessibilité et proximité, de la justice très fort, parfois même un peu radical », souligne Romain Dupeyré. « C’est pour cela que pour les legal tech, on a eu plein d’initiatives, avec une marraine qui est Tiphaine Auzière ».
 
L’idée, c’est de donner de la visibilité aux legal tech françaises. Faire parler les acteurs, démystifier les services proposés, expliquer les enjeux et souligner le potentiel de la technologie employée au service du droit et de la justice : « c’est, poursuit le fondateur de JUREM, dans ce cadre que nous avons organisé la Vendôme Tech, avec un symbole très fort, le fait que cela se déroule au ministère ». D’autres pistes ont également été envisagées, comme une déclinaison du logo French Tech (mais l’écosystème n’a pas été jugé suffisant) ou encore une présence sur les grands salons à l’étranger pour exposer le savoir-faire français.
 
Les prochaines étapes…
Sur le fond des réformes, JUREM travaille, en collaboration avec d’autres groupes affinitaires, à un projet de parquet national des délits écologiques. La loi Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) ou la réforme constitutionnelle (présentée en Conseil des ministres le 9 mai dernier) sont également à l’agenda des prochaines semaines.
 
« Notre tout dernier projet, est de travailler à l’organisation de nos premières universités d’été, sans doute le jeudi 4 juillet, à Paris », indique Romain Dupeyré. L’idée serait de réunir des représentants du gouvernement, des parlementaires, des représentants des professions, des legal tech et quelques invités avec un point de vue différent (philosophe, association, etc.), pour revenir sur les actions de JUREM et la toute récente actualité législative. Un avant-goût de bilan à l’aube des deux ans de cette toute jeune association…
Source : Actualités du droit